L’éditorial de Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité. L’hémorragie industrielle et agricole qui se poursuit mine les bases de notre protection sociale et aggrave toutes les insécurités de vie. Moins de personnes au travail, ce seront moins de recettes pour les caisses de la Sécurité sociale.
L’hémorragie industrielle et agricole qui se poursuit mine les bases de notre protection sociale et aggrave toutes les insécurités de vie. Moins de personnes au travail, ce seront moins de recettes pour les caisses de la Sécurité sociale.
C’est dans ce contexte qu’a jailli, à grand renfort de propagande, cette fausse bonne nouvelle de la fin prochaine du fameux « trou de la Sécurité sociale ». Au moment même où nos hôpitaux perdent leur sang, qu’un nombre croissant de nos concitoyens ne peuvent plus se soigner correctement, la ministre de la Santé a déclaré : « En 2017, le trou de la Sécu aura disparu », ajoutant : « La gauche fait le job. » Mais de quel « job » parlez-vous au juste, Madame la ministre ?
Si, d’un point de vue purement comptable, l’annonce peut satisfaire ceux qui ne voient le monde qu’à travers les chiffres, on aurait souhaité un peu de retenue et de franchise. Car, pour tout « job », ce résultat procède d’un véritable travail de sape d’un des ferments de la République sociale, inscrit dans nos institutions grâce aux combats syndicaux, portés de tout temps par la gauche. Heureusement que les médecins et personnels hospitaliers ont un tout autre sens des responsabilités.
Ils alertent, avec leur cœur et la passion de leurs nobles missions, sur la situation extrêmement dégradée de la santé publique, dénoncent la surchauffe des hôpitaux et la pression terrible qui s’y exerce sur les salariés.
Parlons plutôt du travail de sape d’un fondement de la république. Parlons de la diminution drastique du budget de la santé publique…
Car, pour parvenir à son objectif l’année prochaine, le gouvernement ne compte pas faire cotiser les revenus du capital mais au contraire tenir la barre d’une diminution drastique des crédits accordés à la santé publique. Ainsi, pour le budget des hôpitaux, jusqu’en 2017, 3 milliards d’euros d’économies sont prévus, dont 860 millions issus de la « maîtrise » de la masse salariale, ce qui va se traduire par la suppression de 22 000 postes, soit 2 % des effectifs. À cette mesure s’ajoute une chasse aux lits dans les hôpitaux, ce qu’on appelle, dans le jargon libéral, « une évolution maîtrisée du développement de la chirurgie ambulatoire ». Avec les suppressions d’emplois qui s’accélèrent à un rythme soutenu dans les hôpitaux publics et les avantages croissants accordés aux cliniques privées, le service public hospitalier est au bord de la rupture. Désormais, le secteur privé lucratif représente 34 % de l’activité hospitalière en France. Un record !
S’agissant des autres branches de la Sécurité sociale, la situation est identique. La droite revendique d’ailleurs la paternité des réformes engagées, notamment concernant les retraites, et promet d’aller encore plus loin, plus vite et plus fort !
Une politique progressiste devrait prendre le contre-pied de ces orientations et s’engager dans la création d’un pôle public du médicament qui permette, de la recherche à la distribution, une maîtrise publique de ce secteur très lucratif. Les profits colossaux des multinationales du médicament sont réalisés grâce à des stratégies commerciales qui ont tout à voir avec l’argent roi et rien avec des objectifs de santé publique. Pourquoi ne pas considérer que, si un produit est efficace, il doit être remboursé à 100 %, alors que se multiplient les remboursements partiels de médicaments, dont une bonne part ont des vertus curatives loin d’être évidentes ?
Ces attaques ont leur cohérence, à savoir une opposition au principe même d’une socialisation des richesses produites. Chaque année, on en trouve la trace dans les ponctions opérées lors du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale. La conception même de cette loi annuelle s’inscrit dans les thèses libérales et les objectifs du capital financiarisé, qui tournent les dos à l’ambition des concepteurs de la protection sociale, dans un pays pourtant exsangue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale Il est d’ailleurs étrange que l’on s’attaque aux fondements de la Sécurité sociale, à ses missions et à son financement au moment où, aux États-Unis, monte l’exigence d’un véritable système de santé publique.
Rappelons que dans ce pays, où la santé est libéralisée, les dépenses qui lui sont liées représentent 17 % des richesses produites, avec des résultats médiocres alors sociale, à ses missions et à son financement au moment où, aux États-Unis, monte l’exigence d’un véritable système de santé publique.
X Le plein-emploi réel y contribuerait grandement, tant les cotisations sont dépendantes du niveau de chômage et de précarité. La fraude aux cotisations patronales, quant à elle, représente aujourd’hui plus de 20 milliards d’euros. Et imaginons ce qu’apporterait une politique contributive visant à créer de nouvelles recettes grâce à une participation des entreprises, modulée selon qu’elles créent de l’emploi, aident à la formation ou s’engagent pour le bien commun. Parallèlement, les exonérations de cotisations seraient supprimées et les revenus du capital financier mis à contribution. Sans parler de la manne que dégagerait une chasse conséquente à l’évasion fiscale, comme le montre abondamment ce numéro de notre magazine.
Bref, un nouvel âge de la protection sociale est possible. Elle est indispensable, notamment pour répondre au grand enjeu de l’autonomie des personnes âgées. C’est à un nouveau progrès de civilisation, à inscrire dans la mémoire collective d’une nation, qu’il faut s’atteler et non à un cri, triomphal et comptable, mais de bien peu de poids humain ! C’est toute la différence avec ce qui pourrait être un acte fondateur d’une sortie de l’enfer néolibéral dans lequel sont plongées nos sociétés avec une gauche de plain-pied dans les potentialités qu’offre notre époque, respectueuse de ses combats historiques et de l’héritage de ses aînés, parmi lesquels le ministre communiste Ambroise Croizat. Tel est le débat, Madame la ministre !
De quel « job » parlez-vous, Madame la ministre de la Santé ?