Quartiers populaires. Un état des lieux inquiétant!

Quartiers populaires. Un état des lieux inquiétant

Chômage, éducation, stigmatisation… Les quartiers populaires restent des lieux où l’égalité républicaine est à la peine. En l’espace de dix ans, la plupart des indicateurs se sont aggravés.

1. Chômage et pauvreté 
n’ont pas reculé

Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), près d’un habitant sur quatre est privé d’emploi. Un taux deux fois et demie plus important que dans le reste du territoire selon une étude de l’Observatoire des inégalités. De 21,9 % en 2010, le taux de chômage dans les ZUS est passé à 24,9 % en 2012. Depuis 2005, les habitants des « couches moyennes » continuent à quitter les quartiers populaires accentuant davantage la ségrégation urbaine. La discrimination à l’embauche continue aussi d’être patente. « À l’“effet quartier” s’ajoute un “effet origine”, les employeurs opérant un tri plus ou moins explicite selon l’origine “ethnique” des postulants », souligne l’Observatoire des inégalités. Au final, on compte trois fois plus de pauvres dans les ZUS que dans le reste du pays avec un écart de revenu moyen qui s’est accru entre 2004 et 2011. En 2010, le revenu fiscal moyen par ménage était de 1 861 euros dans les ZUS contre 3 066 euros dans le reste des agglomérations où elles se situent.

2. Des services publics 
à la peine

En 2008, il y avait 86 services de proximité pour 10 000 habitants en moyenne en ZUS contre 139 dans leurs unités urbaines. Même si les situations sont disparates en fonction des politiques de solidarité menées par les municipalités, les zones urbaines sensibles sont en retard en termes de dotations en équipements de services de proximité, de commerce et de santé. Dans son dernier rapport, paru en 2014, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, devenu Observatoire national de la politique de la ville, fait état de la sous-dotation des ZUS en matière d’équipements sportifs. Signe de cette dégradation, ce rapport 2014 ne mentionne même plus la situation des services publics et de proximité, qui était pourtant présente dans le rapport 2009…

3 Le tableau noir 
de l’éducation

En 2014, près de la moitié de la population vivant en ZUS (44,3 %) n’avait aucun diplôme ou un niveau inférieur au BEP-CAP, contre 19,7 % hors de la ZUS. Une situation qui s’est aggravée depuis 2005, année où l’on comptait 43,6 % de non-diplômés. Et plus le niveau d’études s’élève, plus les inégalités se creusent. En matière d’éducation, les quartiers populaires souffrent d’un sous-investissement coupable. D’après la Cour des comptes, le ministère dépensait, en 2010, 2 860 euros pour un écolier de l’académie de Créteil contre 3 134 euros pour un élève parisien… En Seine-Saint-Denis, seuls 0,9 % des enfants de moins de trois ans sont scolarisés contre 13,4 % en moyenne nationale. Dans la seule ville de Saint-Denis, à la rentrée 2014, faute de profs, près de 500 élèves se sont retrouvés sans instituteur et 10 % des classes ont été prises en charge par des adultes contractuels sans formation ! « Les élèves dionysiens ont été placés dans une situation défavorable aboutissant à une rupture du principe à valeur constitutionnelle d’égalité devant le service public », a reconnu le défenseur des droits en juillet dernier.

4. Les rapports police/citoyens envenimés

Les révoltes de 2005 sont parties d’un contrôle qui a dégénéré. Dix ans plus tard, les rapports entre la police et la population ne se sont pas améliorés. Pis : lors de son passage Place Beauvau entre 2012 et 2014, Manuel Valls a déçu nombre d’associations en enterrant, sous la pression des syndicats de police, le fameux récépissé censé endiguer les contrôles d’identité au faciès… Jusqu’ici, seule une refonte du Code de déontologie de la police et de la gendarmerie a vu le jour en janvier 2014 : les palpations de sécurité conduites à l’occasion de contrôles d’identité y sont désormais encadrées juridiquement. Pour le reste ? La stigmatisation est toujours de mise. Condamné pour la première fois en juin pour des contrôles au faciès, l’État a même eu le culot de se pourvoir en cassation.

5. la rénovation urbaine, 
une Mesure de façade ?

Lancé en 2003 par Jean-Louis Borloo, le programme de rénovation urbaine a longtemps été présenté comme LA mesure devant répondre à la désespérance de certains quartiers. Au final, le bilan est très mitigé. Ce programme à 45 milliards d’euros, dont les conventions prendront fin en 2018, devrait permettre de démolir 145 000 logements, d’en reconstruire 140 000 et d’en réhabiliter 325 000. Loin des prévisions d’origine (250 000 démolitions en cinq ans, 200 000 nouveaux logements et 200 000 rénovations). Dans un rapport de 2013, l’idée que cette rénovation permettrait de rétablir une certaine mixité sociale a aussi été battue en brèche : « Les indicateurs dans les quartiers sensibles évoluent peu, reconnaît le document. Le chômage y est à peu près toujours le double des autres quartiers et la pauvreté trois fois plus prégnante. » Les enquêtes montrent cependant que 70 % des habitants concernés considèrent que leur quartier s’est amélioré. Mais l’opinion globale des habitants des ZUS reste très mauvaise : 56 % de ses habitants ont une mauvaise image de leur quartier et 16,2 % des ménages considèrent leurs conditions de logement insuffisantes ou très insuffisantes, contre 7 % de ceux qui habitent hors de ces territoires.

Laurent Mouloud et Olivier Morin

Mardi, 27 Octobre, 2015

L’Humanité

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